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01 mars, 2018

Le premier livre



Par Louise V. Labrecque


Impossible d’oublier nos premières fois. Pour les livres, c’est pareil. Nos  premiers  livres, c’est la découverte d’un monde à part, parfois magique, souvent ludique, avec ce livre-là, celui « qui fait image «, celui qui touche spécialement nos sens et marque l’imaginaire à tout jamais. Souvent, il s’agit d’un livre pour enfants, un livre illustré ; ensuite, plus tard, il arrive que ce soit un livre d’art, une encyclopédie ou une revue scientifique, un herbier ou la Bible.  Cependant, il arrive parfois que ce soit la rencontre avec un livre pour adultes, un livre de philosophie, de poésie, de psychologie ou de sexologie, lequel nous fascinera toute notre vie. Quoi qu’il en soit,  la découverte des premiers livres constitue le socle de l’éducation. Cette expérience allumera, sans le savoir, la flamme de la curiosité intellectuelle et pavera la voie au désir de connaître ; s’il y a quelque chose de touchant dans l’expérience humaine, c’est bien ce premier éveil à la vie de l’esprit.

En effet, ce premier contact constitue à la fois une force et un repère ; c’est une sorte de référence rassurante. Depuis quelques années, on s’intéresse beaucoup à l’effet marquant du premier livre dans la construction de l’imaginaire chez l’enfant. Pour certains d’entre eux, en effet, l’importance du premier livre constitue un véritable élan, à tel point qu’il pose la première pierre à l’édifice d’une riche fantasmagorie. Dans son essai philosophique sur l’entendement humain, John Locke explique le caractère singulier de certaines idées, lesquelles découlent en réalité de ponts et/ou de passerelles intermédiaires, dans les fondements de l’imaginaire.  Par exemple, Adam est capable, dès l’âge de 2 ans, d’imaginer une histoire en regardant les images de son livre préféré. Bien qu’il ne sache pas lire, il imagine l’histoire, il s’invente un rapport au monde personnel, il devine les mots (discrimination positive), il observe les lettres, l’organisation des phrases et du texte. Également, il observe le paratexte : les illustrations et les couleurs ; bref, tout parle un langage à venir !  Ainsi,  il commence peu à peu à reconnaître certaines lettres, certains mots, la ponctuation, une expression revenant souvent, par exemple «  il était une fois ». En somme, en se situant au cœur des apprentissages, le livre revêt une importance capitale, alimentant encore de nos jours bien des réflexions sur les compétences transversales en éducation, c’est-à-dire les compétences et habiletés qui peuvent être appliqués à plus d’une discipline. C’est donc une bonne idée de mettre les enfants en contact avec des livres variés et de qualité, dès le plus jeune âge. Les livres d’aphorismes et les recueils de poésie constituent en ce sens des petits bijoux de la langue française, en mettant en lumière la beauté de la langue au travers les moments du quotidien, avec ou sans allégorie à la fin ;  ne pas hésiter, donc, à lire de la poésie aux enfants !  De la même manière, les fables, les haïkus, les comptines, tout cela fait image en se gravant pour toujours dans le cœur et dans l’esprit.  De plus, l’acquisition des compétences, peu importe l’âge, a besoin de complémentarité. En ce sens, lire des histoires provenant de tous les genres littéraires procure à l’enfant un véritable plaisir de lecture. Également, la façon dont l’enfant construit ses affects est avant tout périphérique ; l’atmosphère au moment de la lecture est donc de la plus haute importance. Les parents, en faisant la lecture à voix haute, doivent lire calmement, avec une voix très douce, dans une pièce chaude, odorante et confortable. Les grands-parents peuvent aussi être de bons guides dans la découverte des premiers livres et se révéler également de formidables conteurs !  L’importance des mutations sociales et familiales ne doivent pas nous faire oublier de créer des formes de stabilité - « faire du sens » -,  avec l’enfant. Ainsi, les livres sont souvent des guides, des vecteurs extraordinaires de création, ayant des répercussions véritables dans la construction des savoirs futurs.

Pour les besoins de cet article, j’ai recueilli des témoignages de divers milieux et il en ressort que l’impact du premier livre est assez variable d’un individu à l’autre. Toutefois, le contact avec le premier livre, celui qui « marque », est souvent un révélateur fascinant de ce que deviendra l’enfant, plus tard. En effet, j’ai noté que plusieurs personnes publiques, notamment en affaire ou en politique, n’avaient pas été mises en contact avec la littérature par un livre, mais plutôt par une publication de type scientifique ou un magazine d’intérêt général. Même conclusion pour certains artistes, disant n’avoir pas été spécialement marqués par un livre, mais plutôt par le livre que lisait, par exemple, une personne significative pour eux, ou alors par une visite à la bibliothèque scolaire ou municipale: « j’aurais pu y passer ma vie ! ». Aussi, certaines personnes disent avoir en tête des détails, des sensations, du temps qu’ils étaient petits, par exemple tandis que la collation du soir précédait la lecture, ou qu’un feu de bois crépitait dans la cheminée. Cela sans compter les rires et les moments de complicité avec les frères et/ou les sœurs, lorsque la lecture se déroulait en famille. D’autres ont en tête des perceptions un peu floues, tels des personnages marquants ou des histoires, mais sans livre précis en tête. Bref, le spectre de l’impact du premier livre ratisse généralement assez large, mais quoi qu’il en soit, il demeure d’une étonnante précision chez plusieurs personnes. Le choix des lectures est donc important ; de la même manière, prendre le temps de visiter toutes sortes de librairies est une bonne idée, afin d’inciter l’enfant à découvrir de manière autonome de nouveaux livres, de nouveaux genres littéraires, ce qui lui permettra d’agrandir ses horizons et alimentera, de ce fait, son esprit critique. En effet, l’éducation c’est à la fois la capacité d’apprendre dans les livres et dans la vie elle-même. Si le livre constitue un moteur formidable pour l’acquisition d’une véritable libre-pensée, c’est aussi par la fréquentation de lieux et de gens allant dans ce continuum ; édifiants et stimulants. Ainsi, donc, le souvenir lié au premier livre deviendra un outil au service de l’enfant devenu grand, afin de l’aider  à allier ensemble toutes les facettes de sa personnalité, pavant la voie à la construction d’un savoir complexe et de plus en plus solide, pour la vivacité d’expériences significatives, aux couleurs les plus riches qui soient.

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