Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

30 mai, 2012

Le réveil sera brutal et douloureux


Il y a quelques mois, Denis Bédard, économiste et ancien secrétaire du Conseil du Trésor au Gouvernement du Québec, a publié un excellent texte, analysant les causes de la faillite des gouvernements occidentaux : la croissance imparable des fonctions publiques.

Le Québec se maintient à la limite de l’acceptable, mais pour combien de temps encore?

Le cumul de toutes les dettes gouvernementales est dangereusement proche du 100 % du PIB. À ce niveau, il n’y a plus de marche de manœuvre. La moindre augmentation des taux d’intérêt sera une catastrophe.

Les contribuables sont littéralement écrasés par un régime fiscal usuraire. Dans certaines situations, les taux marginaux d’imposition dépassent 70 %. Il n’y a donc plus de marge de manœuvre de ce côté-là non plus.

Les manifestations étudiantes et populaires démontrent qu’il est à peu près impossible de couper dans les programmes gouvernementaux ou d’apporter des modifications substantielles au modèle québécois afin de dégager une marge de manœuvre acceptable.

Il ne reste donc que la croissance économique accélérée pour renflouer les coffres de l’État. Mais là encore, les momos (expression utilisée par Alain Dubuc pour désigner ceux qui demandent des moratoires pour tout et rien) s’opposent à toutes formes de développement. De plus, l’environnement économique québécois est l’un des moins attrayants en Amérique du Nord. Dans ces conditions, il est naïf de croire que les entrepreneurs vont se bousculer pour investir au Québec.

La lumière au bout du tunnel n’est toujours pas visible, mais une chose est certaine : lorsqu’on en sortira le réveil risque d’être brutal et douloureux, n’en déplaise aux utopistes écolo-socialo-syndicalo de ce monde.
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La dérive des secteurs publics

Par Denis Bédard, économiste et ancien secrétaire du Conseil du Trésor au Gouvernement du Québec

Depuis deux ans, la crise de l'endettement public ne cesse de faire les manchettes. Après avoir frappé les pays les plus vulnérables comme l'Irlande, le Portugal et la Grèce, on réalise aujourd'hui qu'elle englobe presque tous les pays développés aussi bien ceux de l'Union européenne que les États-Unis et le Japon. Il n'est pas exagéré de dire que les difficultés croissantes affectant les secteurs publics font craindre le pire pour l'avenir de l'Euro et la stabilité du système monétaire. Comment a-t-on pu en arriver à une telle situation?

On se souviendra que suite à l'éclatement de la bulle immobilière américaine et au ralentissement économique survenu en 2008, les gouvernements ont été obligés d'intervenir rapidement afin d'assurer la solvabilité des institutions financières et d'éviter que la récession se transforme en une dépression de l'économie mondiale. Ces interventions ont alors exigé des emprunts massifs qui sont venus s'ajouter à une dette publique déjà très élevée. De 2007 à 2011, les taux d'endettement exprimés en pourcentage du PIB pour l'ensemble des pays de l'OCDE auront passé de 73,1 à 102,4, soit une augmentation de 39,3 points de pourcentage, ce qui correspond à une somme de 14 596 milliards de dollars américains.

Pour corriger cette situation, les gouvernements font face maintenant à un double défi, c'est-à-dire équilibrer les comptes budgétaires afin de stabiliser le niveau de la dette, tout en prenant des mesures pour favoriser une reprise de la croissance. Il est douteux qu'ils réussissent car les deux objectifs jouent l'un contre l'autre. Le résultat le plus probable des politiques d'austérité budgétaire sera de causer une stagnation économique qui pourrait durer plusieurs années.

Pour trouver les racines de la crise profonde que nous traversons, il faut revenir en arrière sur les facteurs qui ont été à la base de l'évolution de l'économie moderne et du rôle joué par le secteur public. Il y a 150 ans, la production économique était surtout concentrée dans le secteur de l'agriculture et des forêts jusqu'à ce que les innovations technologiques déclenchent un développement rapide de l'industrie manufacturière. L'accroissement de la productivité a ensuite entraîné l'expansion des industries de services qui représentent aujourd'hui plus de 70% de nos économies.

Au cours de ce processus, l'économie privée et l'économie publique se sont développées de façon parallèle et complémentaire. Les gouvernements ont commencé tout d'abord par s'occuper des services essentiels au fonctionnement des États et de la société comme la sécurité, la justice et l'organisation du territoire. Il a fallu ensuite appuyer le développement économique en encadrant le commerce et le fonctionnement des entreprises. Est venue finalement la prise en charge graduelle des services dans les domaines de l'éducation, de la santé et des services sociaux. L'importance du secteur public s'est affirmée après la deuxième guerre mondiale et il est devenu aujourd'hui le secteur dominant dans les économies développées, non seulement à cause de la gamme des services offerts mais aussi à cause de l'influence qu'il exerce sur la redistribution des revenus par la taxation et les programmes de sécurité sociale.

En plus des services de base à la population, les gouvernements ont continué au cours des dernières décennies à ajouter de nouveaux programmes socio-économiques. Ils interviennent aujourd'hui dans presque tous les domaines. Les difficultés sont apparues lorsque l'augmentation incontrôlée des dépenses a dépassé la croissance des revenus, laquelle est limitée par les contraintes de la croissance économique. Pour sortir de l'impasse, les gouvernements auraient pu essayer de corriger leurs programmes de dépenses mais ils ont surtout augmenté les niveaux de taxation jusqu'à ce qu'ils doivent ensuite se tourner vers les emprunts. Ce fut la soupape pour éviter les coupures de services avec la conséquence de devoir assumer des coûts d'intérêts grandissants.

Cela ne pouvait pas durer indéfiniment. Après le choc de 2008 et les emprunts massifs qui ont été faits, la sonnette d'alarme a sonné quand plusieurs pays se sont retrouvés avec des taux d'endettement par rapport au PIB de 100 pourcent et plus. Mais il était trop tard. Les derniers événements ont montré que la situation financière de ceux qui avaient atteint ce niveau pouvait rapidement devenir incontrôlable. Les détenteurs de leur dette risquent maintenant de perdre un pourcentage élevé de la valeur des titres qu'ils détiennent.
Si on regarde la réalité en face, le constat est indiscutable : les secteurs publics sont à la dérive car ils sont surdéveloppés, sous-financés et surendettés. Ils sont rendus à une phase de leur évolution qui se traduira par le déclin du rôle qu'ils ont joué historiquement. À l'instar de ce qui se passe dans les secteurs de l'économie privée qui opèrent dans de telles conditions, ils font face à une révision majeure de leurs opérations. C'est le destin inévitable de tout secteur qui a dépassé les limites de ses capacités de développement.

En plus d'être pris dans une crise financière, les gouvernements font aussi face à une crise de confiance qui s'est développée au fil des ans comme le montre la baisse graduelle des taux de participation électorale et la multiplication des partis politiques. Il est difficile dans ce contexte de faire accepter la mise en place de mesures qui permettraient de corriger la crise. Les groupes qui profitent des services publics sans en supporter le coût veulent évidemment défendre leurs acquis aux dépens de l'ensemble des contribuables qui doutent quant à eux de la capacité des gouvernements de pouvoir résoudre le dilemme social qu'ils ont créé. Il n'est pas surprenant que la crise économique se soit traduite dans plusieurs pays par une crise politique.

Comment se présente le secteur public québécois dont nous n'avons pas parlé jusqu'ici? Par rapport aux autres gouvernements canadiens qui ont été plus prudents, la situation budgétaire est beaucoup plus difficile au Québec. Dans les études du groupe de travail mis sur pied pour la préparation du budget 2010-2011, le principal constat a été de souligner le niveau et le coût élevés des services publics dont jouit la population du Québec en comparaison des autres provinces et cela, malgré qu'elle soit moins riche. Comme cet excédent de dépenses existe depuis longtemps, il s'est traduit par un fardeau fiscal élevé et une dette publique qui fait du Québec l'administration la plus endettée au Canada. Cette dette sera rendue à 181 milliards de dollars à la fin de l'année financière 2011-2012, ce qui équivaudra à 55 pourcent du PIB.

En consolidant la dette de tous les niveaux de gouvernement dont la population québécoise doit ultimement supporter le poids, nous approchons du niveau de 100 pourcent du PIB (selon les estimations du ministère des Finances utilisant la méthodologie de l'OCDE), c'est-à-dire le niveau critique où il ne reste plus de marge de manoeuvre pour gérer les imprévus. Le gouvernement québécois a bien sûr mis en place en 2006 le Fonds des générations afin de diminuer le poids de sa propre dette comparativement à celle des autres provinces. L'horizon visé était 2026. Mais suite à une révision de la comptabilité et à l'impact de la dernière récession, sans oublier le financement du plan des infrastructures, l'objectif initial a dû être haussé de 25 à 45 pourcent du PIB. Ce n'est pas le Fonds des générations qui va améliorer notre position relative puisque les autres provinces étaient déjà en bas de ce nouvel objectif en 2010.

Dans les derniers discours sur le budget du Québec, on retrouve des mesures visant à changer certaines modalités de financement et à réduire les coûts des services mais elles ne permettront pas de corriger la trajectoire de la croissance des dépenses. Comme les perspectives économiques mondiales sont incertaines et que la dynamique de fonctionnement du secteur public québécois demeure inchangée, il y a donc peu d'espoir de connaître à moyen terme une amélioration. Cette fragilité financière place le Québec dans une position de faiblesse qui risque de lourdement handicaper le gouvernement au cours des prochaines années. Il n'est plus possible de continuer sur cette trajectoire.

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