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17 août, 2010

Une grande dame

LA DÉLIVRÉE


par Louise Labrecque

Enfin! Éva Circé-Côté est sortie des oubliettes pour entrer de plein fouet dans nos esprits, en même temps que sur les tablettes de nos librairies ! Il était temps, en effet, de dépoussiérer l’œuvre extraordinaire de cette grande dame, libre-penseuse, poète, dramaturge, journaliste, musicienne, et j’en passe ! Dans cent ans, ceux qui voudront comprendre le prix des combats contre l’ignorance et l’intolérance dans le Québec des années 1900, s’épargneront de longues et austères recherches, s’ils consentent à passer au peigne fin le livre d’Andrée Lévesque “Éva Circé-Côté libre-penseuse 1871-1949. »

En effet, difficile de résumer la vie et l’œuvre de Éva Circé-Côté tant celle-ci s’intéresse à une foule de sujets, et tout particulièrement aux écoles. Dans ses sorties publiques, elle parle abondamment de l’importance de l’instruction obligatoire et laïque, le droit au travail des femmes, et la liberté de pensée. Rompue à tous les cadres d’écriture, cette femme de lettres signe ses articles sous plusieurs pseudonymes, notamment Julien Saint-Michel, dans la presse radicale de l’époque. Tantôt essayiste, tantôt poète, cette journaliste et écrivaine écrit inlassablement et publie plus de 1100 chroniques. Son combat pour la démocratie est audacieux et elle affirme elle-même: “ma plume est un outil de délivrance.” En effet, cette féministe luttera toute sa vie pour l’égalité des sexes, notamment pour la réforme du code civil des femmes mariées, alors véritables esclaves “modernes”, dans un Québec dont on a peine à imaginer la petitesse, encore de nos jours. Sa plume, et surtout les idées qu’elle défendait, étaient impopulaires auprès des élites politiques et religieuses de l’époque. Les esprits libres, tant qu’à eux, s’en délectait comme du petit lait, et il n’était pas rare de voir ces gens s’exiler, ce que n’a pas fait Éva Circé-Côté. Au contraire, cette opposition l’incite redoubler d’ardeur, à affiner sa pensée et ses arguments pour enfin signer, à répétition, de nombreuses chroniques. Son lectorat provoque progressivement des débats dans la grande presse, tant et si bien que l’influence des ses écrits, quoique difficiles à évaluer, demeurent incontestables.

Bref, au fil des 462 pages de cette biographie, l’auteure Andrée Lévesque, dresse un portait rigoureux de cette femme libérale et progressiste, madame Éva Circé-Côté. De son œuvre, la plus concrète demeure sans doute la contribution exceptionnelle à la bibliothèque municipale de Montréal, en tant que bibliothécaire, conservatrice, et fondatrice (elle fonde la bibliothèque au Monument National). De même, nous lui devons quatre pièces de théâtre, ainsi qu’un brillant essai de psychologie historique : « Papineau, son influence sur la pensée canadienne », paru en 1924. De plus, elle fonde le journal « L’Étincelle », dans lequel elle publiera énormément d’articles, utilisant parfois tous ses pseudonymes en même temps dans un même numéro ! Toutefois, Éva Circé-Côté se défendra toute sa vie d’être une intellectuelle. Son travail en est un « de terrain », et elle souhaite simplement contribuer activement à l’avancement de la cause des femmes, notamment en cherchant à convaincre celles-ci à sortir de l’indifférence afin d’obtenir le droit de vote. En ce sens, ses actions se teintent d’intransigeance et de détermination à fouetter les énergies. Ainsi, à partir de 1927, les plaidoyers d’Éva Circé-Côté se font de plus en plus insistants, notamment en signant ses chroniques dans le journal Le monde ouvrier. Anticléricale, elle dénonce les pouvoirs religieux, l’antisémitisme, et l’impérialisme. Véritable éclaireuse dans un Québec peinant à se sortir de son obscurantisme, Éva Circé-Côté déploie l’énergie du désespoir afin de ne pas faillir à sa mission. Ainsi, elle fonde courageusement une école laïque pour les jeunes filles et entends bien outiller solidement ses élèves à l’indépendance économique, notamment par une excellente instruction et la lutte aux préjugés, au sexisme, et au machisme le plus vil, dans une société où la vulgate populaire était résumé ainsi : « une femme en sait toujours assez! » En somme, avant-gardiste et véritable pionnière, Éva Circé-Côté fera fi des conventions de l’époque et posera ainsi les jalons essentiels des luttes que mèneront les femmes dans les années 70, jusqu'à nos jours.


Èva Circé-Côté, libre-penseuse, 1871-1949. Andrée Lévesque. Le Remue-ménage, 2010.

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