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08 septembre, 2008

Sanctions et justice dans une perspective libérale

André Dorais

 

Lorsqu’on parle de justice on réfère ou bien à des principes, ou bien aux façons de la rendre, ou bien encore aux jugements rendus.  Dans chacun de ces aspects on retrouve des points de vue différents, mais la diversité est la plus grande dans les sanctions rendues.  Celles-ci diffèrent non seulement selon les régimes politiques, mais également selon chaque pays de même régime.  C’est-à-dire que les sanctions, pour une même action interdite, sont différentes d’une démocratie et d’une monarchie à l’autre.  On constate autant de différences dans les sanctions prescrites par les religions. 

 

Il va sans dire qu’à partir de principes marxistes on ne doit pas s’attendre à des sanctions libérales et vice versa.  Cependant, qu’on aboutisse à des sanctions différentes à partir de mêmes principes, c’est dire que sa conception de la justice n’est pas très cohérente.  C’est le lot de la majorité d’entre elles, pour ne pas dire de chacune d’elles.  On ne doit pas s’en formaliser outre mesure, car le sujet est difficile malgré les apparences.  L’idée de justice fait allusion à une conception de l’homme, de sorte qu’elle embrasse plusieurs sujets.

 

Dès lors que le point central de la justice est l’individu, la perspective est libérale.  La plus libérale de toutes est anarchiste, c’est-à-dire qu’elle ne fait aucunement appel à l’État.  Elle refuse cet intermédiaire, car elle ne lui reconnaît ni légitimité, ni efficacité.  Les principes de la justice libérale sont la liberté, la propriété et la non-agression.  Ils servent de guides au processus judiciaire et aux sanctions à rendre.

 

Restituer la propriété

 

Il y a sanction à rendre lorsque ces principes sont violés.  Dans la mesure où l’on s’en tient d’abord à la propriété au sens strict, soit les biens de l’individu, le but de la justice est de la restituer.  Remettre à chacun le sien, voilà ce à quoi se résume la sanction libérale[i].  Remettre à son propriétaire l’objet qui lui a été volé ou le remplacer par un objet similaire, autant que possible de même valeur.  Compenser la victime pour les dommages causés et rembourser les coûts encourus par la police.  La restitution de la propriété est possible, mais est-elle suffisante?

 

Ne doit-on pas, en sus de la restitution, pénaliser les voleurs, tueurs et fraudeurs?  Si oui, dans quel but?  La justice n’est-elle pas rendue lorsque le voleur remet au propriétaire les sommes d’argent qui lui ont été volées?  Que le criminel ait également à défrayer les frais de cour et à compenser le propriétaire pour intérêt perdu est une chose, mais sur quelle base peut-on exiger du criminel une somme additionnelle?  Pour lui donner une leçon?  Laquelle?  Il doit remettre au propriétaire ce qu’il lui a soutiré.  En quoi l’obliger à payer davantage va lui faire mieux comprendre qu’il ne doit pas voler? 

 

Le rôle de la justice ne consiste pas à donner des leçons de morale, mais uniquement à restituer la victime.  La restitution ne consiste pas en une égalité, car la valeur des choses varie selon chaque individu.  Elle consiste plutôt à établir une équivalence.  Cela n’a pas la précision des sciences de la nature, non pas à cause d’un manque de rigueur, mais parce que l’objet de recherche ne s’y prête pas.  Restituer des valeurs est impossible au sens strict; on peut, tout au plus, et on doit, tenter de rétablir la propriété telle qu’elle était avant sa violation pour que justice soit rendue. 

 

Quelle justice pour la victime d’agression?

 

Si la justice peut être difficile à établir lorsqu’on s’en tient à restituer la propriété, elle l’est d’autant plus lorsqu’il s’agit de compenser la victime d’agression.  Dans ce cas, on doit se poser la question à savoir si la restitution constitue le mode adéquat pour l’établir.  En effet, comment restituer un homicide?  À qui doit-on justice?  Les héritiers?  La famille?  La société?

 

On ne tue pas celui qui tue, ni ne viole celui qui viole.  Un crime n’en corrige pas un autre et la souffrance de l’un ne peut être identique à la souffrance de l’autre.  Si on ne restitue pas la justice par un acte identique, alors comment établir une équivalence?  Incarcérer un criminel, comme on le fait un peu partout, l’empêche de récidiver, mais cela ne restitue en rien la victime.  Cette façon de procéder peut en satisfaire quelques-uns, dont les victimes, mais il demeure paradoxal que les contribuables aient à loger et nourrir des criminels.

 

Si on ne peut restituer une agression par une autre, doit-on chercher une équivalence entre la sanction à donner et l’agression commise ou doit-on pénaliser autrement l’agresseur?  L’équivalence en question est tellement difficile à établir qu’on se contente de l’incarcération, qui constitue également le moyen le plus populaire de punir.  Or, comment distinguer la punition de la restitution si on utilise l’incarcération pour les deux?  La restitution est une peine qui se contente de «réparer» plutôt que de pénaliser davantage dans le but douteux de donner des leçons de morale.  Elle est possible lorsqu’il est question de biens matériels, mais plus difficile à établir lorsqu’il s’agit d’agression.  Lorsqu’elle s’avère impossible à établir, alors l’idée d’équivalence est arbitraire. 

 

L’idée d’équivalence entre le crime commis et la sanction à rendre se retrouve dans la proportionnalité des peines à donner selon la gravité du crime, mais elle n’exclut pas l’idée de punir.  Être condamné à 40 ans de prison plutôt que 20 ans pour meurtre prémédité et à 20 ans plutôt que 10 ans pour meurtre non prémédité marque la différence entre ces crimes et les sanctions qui leur sont dues.  Cependant, le nombre d’années à purger derrière les barreaux ne correspond d’aucune manière à une restitution pour la victime.  Que l’on double ou triple les peines ne corrige pas davantage le crime commis.

 

Plutôt que d’enfermer les criminels aux frais des contribuables, pourquoi ne pas les obliger à travailler, de façon productive, afin qu’ils remboursent le nombre d’années qu’ils auraient eu à vivre incarcérés?  En d’autres mots, dans les situations où l’on n’arrive pas à établir une équivalence entre un crime contre la personne et la sanction à rendre, si ce n’est qu’en nombre d’années, on pourrait traduire celles-ci en un montant d’argent que les criminels auraient à payer, en travaillant de manière productive et surveillée, plutôt qu’à ne rien faire derrière les verrous et aux frais des contribuables.  

 

Cette approche ne restitue pas davantage la victime, mais la compense au moins monétairement, elle ou ses ayants droit, en sus de ce qu’elle peut obtenir de son assurance-vie.  Elle pourrait choisir d’être dédommagée plus rapidement en cédant son droit de restitution à sa compagnie d’assurance qui, à son tour, se chargerait de récupérer les sommes dues.  C’est à la victime, et à elle seule, que le criminel doit justice.  Obliger les contribuables à payer constitue une injustice de plus qui n’a pas lieu d’être.  L’État fait des contribuables des victimes parce qu’il traite le crime contre la personne comme un crime contre la société.  Or, il n’existe pas de crime contre la société, mais uniquement contre des individus. 

 

La victime pourrait également choisir de pardonner le criminel.  En effet, si le jugement appartient à la cour, la décision devrait revenir à la victime.  En procédant ainsi les prisons seraient moins encombrées, les gens plus riches et la victime se retrouverait à l’avant-scène, comme il se doit.  De plus, les criminels pourraient se réhabiliter plus facilement du fait qu’ils auraient tous à travailler de manière productive, dans des camps de travail ou en société, selon la gravité du crime commis. 

 

L’idée bouscule et demande raffinement, mais avant de conclure que le criminel s’en tire trop à bon compte, on doit rappeler que, dans un monde sans État, un criminel forcé de travailler pour rembourser sa victime, ou ses ayants droit, ne trouvera pas facilement preneur pour assurer sa vie.  Il s’ensuit qu’avant de crier vengeance, il devrait y penser à deux fois, car il constitue une cible de choix pour tous ceux qui, à tort ou à raison, considèrent qu’il s’en sort trop facilement.   



[i]  De toutes les perspectives libérales, celle de Christian Michel me semble la plus cohérente (voir Faut-il punir les criminels?).  Les sanctions doivent être proportionnelles aux principes violés, ni plus, ni moins.   L’idée de punir davantage que la simple restitution n’a d’autres fondements que le poids du temps, c’est-à-dire la difficulté de remettre en question une pratique millénaire.    

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