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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

02 mars, 2008

Peut-on relancer l’économie par la consommation?

André Dorais

La non-intervention absolue est d’une naïveté absolue. Il faut être niaiseux pour croire que les États-Unis et les pays européens n’interviennent pas pour attirer, soutenir ou garder des entreprises. ---- Raymond Bachand, ministre du Développement économique du Québec

Une pratique suivie depuis des décennies est difficile à remettre en question, d’autant plus lorsqu’elle est partagée par plusieurs. Cependant, sa légitimité et son efficacité ne se mesurent ni au nombre d’années qu’elle est suivie, ni à son nombre d’adhérents. Les politiques économiques d’inspiration keynésienne, qui cherchent à relancer l’économie par la consommation, en sont un bel exemple.

Selon l’approche usuelle et keynésienne de calculer le produit national (PIB), il suffit d’additionner les éléments suivants : dépenses de consommation (C), dépenses gouvernementales (G), investissements privés (I) et exportations nettes (X – M). En laissant tomber l’élément le moins important, l’équation se réduit à ‘C + G + I’. Dans la mesure où on l’utilise pour appréhender la richesse économique, on peut se contenter de l’ordre de grandeur suivant : les dépenses de consommation constituent les deux tiers (ou 66%) du PIB, les dépenses gouvernementales constituent le cinquième (ou 20%) et augmentent depuis près d’un siècle, alors que les investissements privés constituent le reste.

Si l’on considère les dépenses gouvernementales comme il se doit, soit d’autres dépenses de consommation, l’équation se réduit à ‘C + I’. Dans ces circonstances, on comprend mieux pourquoi les gouvernements encouragent les gens à consommer et à dépenser, sans se gêner eux-mêmes, pour relancer l’économie. Il ne s’agit pas moins d’une erreur monumentale. En effet, dans la mesure où l’on s’en tient aux éléments mentionnés pour décrire la richesse, on devrait inverser leur poids respectif, c’est-à-dire considérer l’investissement comme étant l’élément le plus important, à défaut de quoi on risque de s’appauvrir plutôt que de relancer l’économie.

Dépenses de consommation vs dépenses de production

Si l’on se fie aux proportions données par ladite formule, il n’y a qu’un pas pour considérer l’ensemble des biens comme étant de consommation. En ce sens, un bien de consommation est un bien ou un service acheté, soit directement par le consommateur, soit indirectement par le gouvernement via l’imposition et la taxation. Toutefois, cette définition ne permet pas de déterminer si les biens sont achetés pour être consommés directement ou par l’entremise d’une transformation préalable.

Considérant que les gouvernements cherchent généralement à en savoir le plus possible sur la vie des gens, on n’a qu’à penser aux recensements obligatoires, pourquoi se contenteraient-ils d’aussi peu d’information en cette matière? Plus la consommation est définie de manière extensive, plus le gouvernement en tire avantage, et pas nécessairement au profit de la population qu’il dessert. En effet, les dépenses gouvernementales contribuent au PIB de même manière que les dépenses de consommation des particuliers, mais seules les dépenses des particuliers répondent vraiment à leurs propres besoins. Par conséquent, dans la mesure où l’on cherche avant tout l’intérêt de la science plutôt que celui du gouvernement, on doit différencier davantage les biens de consommation des biens de production ainsi que les dépenses respectives qui leur sont associées.

Les biens de production (biens en capital ou biens intermédiaires) permettent ou bien une plus grande quantité, ou bien une meilleure qualité, de biens de consommation. On les fabrique par l’entremise d’investissement, c’est-à-dire l’utilisation de ressources naturelles, d’autres biens en capital et le travail humain. On peut se contenter, pour les besoins de ce texte, de qualifier les dépenses de production comme étant celles qui visent à transformer un objet dans le but d’en effectuer une vente subséquente. On retrouve cette caractéristique non seulement parmi les biens regroupés sous la rubrique investissement, mais également parmi plusieurs biens regroupés sous la rubrique consommation. (Pour se convaincre de l’extension donnée à la dépense de consommation, on peut consulter l’INSEE). Il s’agit donc de ramener tous les biens ayant cette caractéristique sous la rubrique «I» pour obtenir un portrait plus réaliste de l’économie. Un exemple peut clarifier ce point.

Plusieurs gestionnaires de portefeuille et conseillers financiers divisent le marché, pour fin d’analyse, selon différents secteurs d’activités. Sous le secteur de la consommation on retrouve généralement les sous-secteurs des communications, breuvages, nourriture, soins de santé, vêtements et autres marchandises. Toutefois, il est tout aussi commun de qualifier de biens de consommation le sucre nécessaire à certains breuvages, le tissu nécessaire aux vêtements, les logiciels nécessaires aux communications, etc. On ne peut donc se contenter de qualifier tous ces biens de «biens de consommation» sans perdre de vue les raisons qui amènent un individu à acheter tel ou tel produit.

Si l’on pousse à l’extrême l’idée de transformation d’un bien, on réalise que la différence fondamentale entre les biens de consommation et les biens de production ne se trouve pas tant dans l’objet convoité que dans l’usage qu’on en fait. Effectivement, quand bien même il y aurait plusieurs consommateurs qui achètent un même produit au même endroit, on ne peut en conclure qu’ils en feront le même usage. Certains l’utiliseront pour consommer, alors que d’autres l’utiliseront comme moyen de production pour en obtenir un bien différent. Une dépense de consommation pour l’un peut être considérée comme un investissement, donc une dépense vouée à la production, pour l’autre.

La différence entre un bien de production et un bien de consommation n’est donc pas aussi simple à établir qu’il y paraît à première vue. Il ne suffit pas qu’une autorité décide ce que constitue un bien, et par suite une dépense, de consommation pour qu’il le devienne pour son utilisateur. Il appartient à l’individu, et à lui seul, de distinguer une dépense de consommation d’une dépense vouée à la production. Toutefois, dans la mesure où l’on s’entend pour dire qu’il y a production du moment qu’il y a vente subséquente du produit acheté, on devrait réaliser que plusieurs biens de consommation, parmi ceux qualifiés comme tel à l’heure actuelle, devraient plutôt être qualifiés de biens de production. Par conséquent, ils devraient se retrouver sous la rubrique «investissement» plutôt que la rubrique «consommation».

Politiques monétaires et fiscales malavisées

Si l’on admet que les dépenses vouées à la consommation soient moins importantes que ne l’indique la formule keynésienne, on devrait également remettre en question l’idée de les encourager; du moins, on devrait se soucier davantage d’encourager la production qui y donne lieu. Or, les politiques qui encouragent la consommation non seulement ne sont pas nécessairement celles qui encouragent la production, mais elles ont souvent des effets diamétralement opposés. En d’autres mots, les politiques qui encouragent la dépense de consommation, sans se soucier outre mesure de la distinguer de la dépense de production et par suite de l’investissement, risquent de se traduire par une érosion de la richesse plutôt qu’une relance de l’économie.

Ces politiques sont celles pratiquées un peu partout dans le monde depuis de nombreuses années. Elles se traduisent par une baisse du taux directeur, des travaux dits «publics», des soutiens, des subventions en tous genres, etc. Elles sont encouragées autant par des représentants syndicaux qu’une partie du monde des affaires, autant par des professeurs que des groupes de pression. Le plus ironique est que plusieurs d’entre eux dénoncent le capitalisme et la «société de consommation»! Selon leur façon de voir, les dépenses des uns constituent les revenus des autres et plus il y a de dépense, plus il y a création de richesse. C’est le miracle de la multiplication des pains!

D’après cette façon de voir, les produits et services de consommation se créent d’eux-mêmes; il suffit de les demander et comme par magie les producteurs apparaissent de nulle part pour satisfaire la demande. Or, si les dépenses des uns peuvent encourager les dépenses des autres, il ne s’ensuit pas pour autant qu’il y ait création de richesse ou «relance de l’économie». Il s’agit d’une vision enfantine dépourvue de réalité, à moins que les politiciens s’engagent à la traduire en loi. Dans ce cas, les désirs des uns peuvent être comblés, du moins un certain temps, mais uniquement en soutirant les ressources des autres. Comme le suggère Keynes, une bonne façon d’y arriver est de créer de l’inflation :

«Si la Trésorerie était disposée à emplir de billets de banque des vieilles bouteilles, à les enfouir à des profondeurs convenables dans des mines désaffectées qui seraient ensuite comblées avec des détritus urbains, et à autoriser l'entreprise privée à extraire de nouveau les billets suivant les principes éprouvés du laissez-faire (le droit d'exploiter les terrains billetifères [sic] étant, bien entendu, concédé par adjudication), le chômage pourrait disparaître et, compte tenu des répercussions, il est probable que le revenu réel de la communauté de même que sa richesse en capital seraient sensiblement plus élevés qu'ils ne le sont réellement.» John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, livre lll, p.106

L’erreur à la base de cette croyance est de considérer la monnaie comme une richesse en soi qu’il suffit de multiplier d’une façon ou d’une autre pour perpétuer la richesse. Or, la monnaie utilisée aujourd’hui n’a rien à voir avec la richesse, elle n’en est qu’une représentante, et mauvaise par surcroît. Ajouter de la monnaie dans l’économie ne crée pas de richesse, cela ne fait que la redistribuer au profit de ceux qui y ont accès en premier. Si ce manège est intensif ou dure trop longtemps, il en résulte non seulement une redistribution des richesses, mais un appauvrissement généralisé.

Une erreur sous-jacente à cette conception est de considérer l’épargne comme une fuite, c’est-à-dire une action qui ne sert pas la consommation, par conséquent qui ne sert à rien, une perte. C’est le monde à l’envers! Pour consommer un produit ou un service il faut en avoir les moyens. Ces moyens constituent l’épargne accumulée. À son tour, l’épargne, avant d’être considérée comme une somme d’argent, constitue l’ensemble des biens de consommation qui permettent d’être soutenu pour une période prolongée. Grâce à eux, les ressources naturelles et le travail humain, on est en mesure de fabriquer des outils et des machines qui, à leur tour, permettent la production d’une plus grande quantité de biens et de services de consommation. C’est cette plus grande capacité de produire qui accroît la richesse et par conséquent la consommation, non le contraire.

Lorsqu’une comptabilité laisse croire qu’il suffise de consommer ou de faire rouler la planche à billets pour créer de la richesse, on doit se poser de sérieuses questions sur la rigueur intellectuelle qui la sous-tend. Avec pareille comptabilité, on ne doit pas se surprendre de constater les niveaux élevés, voire historiques, d’endettement des gouvernements et des ménages dans le monde. Le corollaire de cet endettement est un faible niveau d’épargne.

Le pire est à venir, car les gouvernements ne se contentent ni d’encourager les gens à consommer, ni de dépenser eux-mêmes l’argent soutiré aux contribuables. Ils dévaluent de plus en plus la monnaie, autant par ignorance que fourberie, sur le dos des consommateurs et, particulièrement, sur le dos de leurs créditeurs qui leur font confiance, à tort. Dans pareille circonstance, on doit souhaiter, minimalement, que les gens au pouvoir, qui prétendent faire le bien par l’entremise de l’inflation, l’imposition et la taxation et qui n’ont souvent que l’invective comme seul argument pour défendre leurs positions, sachent un jour se regarder dans le miroir et se poser la question à savoir s’ils ont vraiment aidé les autres ou ne leur ont pas plutôt nuit.

1 commentaire:

Unknown a dit...

Bonjour à tous,

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