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10 août, 2007

Le miracle irlandais

De plus en plus, les pays européens étudient le modèle irlandais pour trouver des moyens de sortir leurs économies de l’immobilisme. Depuis toujours, l’Irlande était perçue comme le vaurien de l’Europe. En moins de vingt ans, des politiciens compétents et responsables ont fait passer l’Irlande du peloton de queue au peloton de tête.

Le Québec, encore plus que l’Irlande, grâce à ses richesses naturelles et sa position géographique privilégiée, possède tous les atouts nécessaires pour passer du peloton de queue au peloton de tête. Malheureusement, il nous manque des politiciens compétents et responsables.

Dans le texte qui suit, Nicolas de Pape compare la Belgique à l’Irlande et tire les leçons qui s’imposent. Ses conclusions sont en tout point applicable à la situation québécoise.

Le modèle irlandais

Nicolas de Pape
chargé de communication, licencié en sciences commerciales et financière;
Eric Verhulst, PaulVreymans, WillyDe Wit www.WorkForAll.org

A-t-on vraiment tout essayé en matière de chômage? En 18 ans, grâce notamment à une baisse des impôts directs, l'Irlande a diminué sa dette publique par trois, triplé le taux d'emploi et… le montant des allocations familiales.

Lorsqu'on parle du «modèle Européen» et particulièrement du «modèle social» européen, on devrait plutôt évoquer «les» modèles, tant coexistent au sein de l'Union européenne une multitude de régimes fiscaux et sociaux. A ce titre, on est littéralement stupéfait par les écarts d'efficience (croissance économique, chômage, etc.) entre les Etats membres. Sous ces deux aspects, on retrouve invariablement dans le peloton de tête l'Irlande, le Luxembourg, le Portugal, l'Espagne, la Norvège et la Grande-Bretagne. Les facteurs favorisant la croissance économique sont connus de la science économique.

Au premier rang de ceux-ci, on retrouve la pression fiscale, surtout sur le travail. Gwartney, Laffer et Armey ont démontré la relation inversement proportionnelle entre la charge fiscale et la croissance économique en analysant, sur une longue période, les écarts de croissance économique dans les pays de l'OCDE. Ils ont observé que dans les pays où les dépenses publiques sont inférieures à 25% du PIB, la richesse progressait de 6,6% et pour moins de 1,6% dans les pays grevés de dépenses publiques supérieures à 60%. La même constatation vaut pour les pays de l'UE. D'autres facteurs expliquent bien entendu la croissance économique: la pyramide des âges, le niveau d'éducation, le taux d'épargne, le taux d'intérêt, la proportion entre impôts direct et indirect, etc. Mais deux facteurs principaux sont corrélés à une croissance économique faible (et donc à une faible création d'emploi): des dépenses publiques excessives et une structure fiscale démotivante. En revanche, les baisses de taux d'intérêt et les déficits budgétaires (techniques keynésiennes) n'ont qu'un faible impact sur la croissance.

L'explication de ce phénomène n'est ni politique ni sociale: une économie est plus compétitive qu'une autre parce qu'elle est globalement plus efficace qu'une autre. La valeur ajoutée est produite à l'origine dans le secteur privé. Même si l'Etat redistribue ensuite cette valeur ajoutée, le plus souvent, c'est l'administration qui s'en charge au travers d'une réglementation complexe et inefficace.

L'objectif n'est pas ici de se faire le chantre d'un modèle plutôt que d'un autre. Il s'agit plutôt d'analyser, dans un contexte de stagnation structurelle wallonne et à la lumière de ce qui précède, les performances comparées de l'Irlande et de la Belgique.

En 1985, la situation économique irlandaise est désastreuse: produit national inférieur à la moyenne européenne (65% du niveau belge), chômage de 17%, déficits budgétaires excessifs, faible taux de croissance. L'Irlande a le statut peu enviable de «second pays le plus pauvre d'Europe» derrière la Grèce. En une demi-génération, elle a obtenu le statut stupéfiant de second plus riche.Comment ceci a-t-il été possible? Jusqu'en 1985, Belgique et Irlande mènent des politiques «keynésiennes» comparables: dérapage de la dette publique, augmentation continue de la charge fiscale moyenne.

Résultat: la création d'emplois et la croissance économique évoluent assez semblablement et de façon médiocre. En 1985, l'Irlande change radicalement de cap: en trois ans, elle réduit ses dépenses publiques de 20% en supprimant le superflu. La charge fiscale se voit réduite d'un tiers. Résultat: une croissance explosive de 5,6% entre 1985 et 2002 contre 1,9% en Belgique, pays qui connaît aujourd'hui un poids du secteur public d'environ 50% du PIB contre 35,2% en Irlande. Le citoyen irlandais voit son revenu disponible multiplié par 3,5. Pendant la même période (1985-2002), l'Irlande crée 31% d'emplois nouveaux contre à peine 7,6% en Belgique et même 106% dans les services (15,8% en Belgique).

Dans le même temps, l'emploi industriel (dont le déclin est considéré en Belgique comme «inévitable») croît de 32% (-30% en Belgique). Le taux de chômage est maintenant de 4,59% de la population active contre 17% vingt ans plus tôt. La Belgique affiche un taux de 8% (officieusement, le chiffre réel est plutôt de 15 %). La dette publique irlandaise, vertigineuse (111% du PNB en 1986, 124% en Belgique) a fondu. Elle n'est plus que de 30% du PNB en 2002 (98% en Belgique). L'intérêt de la dette publique, lui, chute à 0,1% du PNB (4,7% chez nous).

Tout cela n'a-t-il profité qu'aux riches? Pas le moins du monde: les moyens mis à disposition de l'Etat, vu la fonte de la dette publique et grâce à l'augmentation des recettes fiscales due à l'augmentation de l'activité économique, ont crû en conséquence. Les dépenses sociales ont augmenté de 118% pour seulement 43% en Belgique. Les allocations familiales ont triplé. L'Irlande est dans le top des classements consacrés à la qualité de vie et au bien-être . Seule ombre au tableau: on constate une surchauffe au niveau de la consommation. Les citoyens irlandais dépensent énormément au détriment d'un endettement parfois conséquent. Le coût de la vie s'en ressent.

Et l'on perçoit également une crise du logement. Les enseignements de cette comparaison sont les suivants:

1) Les baisses importantes d'impôt direct n'entraînent pas de baisse des recettes fiscales globales en raison de la poussée de croissance qui s'en suit et du rattrapage via les recettes de TVA taxant la consommation renouvelée;

2) Une politique de réduction des dépenses publiques n'empêche pas forcément une politique sociale volontariste étant donné la diminution du chômage et l'augmentation des recettes fiscales et sociales, conséquence d'une croissance économique forte; les politiques de baisse de charge ne profitent pas qu'aux riches.

3) Les politiques «keynésiennes» traditionnelles de relance économique (baisse des taux d'intérêt, déficit budgétaire et investissement public massif) ne sont pas efficaces, surtout dans le contexte économique de l'Europe actuelle.

Il est donc temps d'analyser, sans a priori idéologiques, les résultats obtenus par nos voisins européens. Qu'ils soient «libéraux» (Irlande, Grande-Bretagne, Espagne) ou «welfare» (Suède, Danemark), ils semblent tous mieux performer en termes d'emplois et de croissance. Cessons de pérorer sur «l'impossibilité d'appliquer tel ou tel modèle» chez nous.

Cessons aussi de diaboliser telle ou telle philosophie économique, tel ou tel penseur. La gauche n'a pas le monopole du coeur. Les libéraux ne roulent pas tous pour les nantis. La couleur du chat n'a pas d'importance pourvu qu'il attrape la souris, dit-on en Chine. Une dictature communiste qui s'est transformée en une nation économique forte en moins de vingt ans, intégrant— non sans mal, certes — 300 millions de pauvres dans le tissu économique. Plus près de chez nous, à peine 10 ans après la séparation de sa soeur tchèque, la Slovaquie, qui était le maillon faible de l'Union tchécoslovaque, a adopté une politique de «flat tax». Ce pays est aujourd'hui le plus grand assembleur de voitures en Europe, dépassant la Belgique, où ce secteur est en difficulté en raison d'une fiscalité salariale trop forte. Un exemple à suivre?

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