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19 décembre, 2006

Le Yuan est-il sous- ou surévalué ?

Par André Dorais

Le secrétaire au Trésor américain, Henry Paulson, le président de la Réserve fédérale, Ben S. Bernanke, et d’autres représentants dudit gouvernement reviennent d’un séjour en Chine. Il était notamment question de demander à leurs hôtes d’accroître la valeur de leur monnaie. Le gouvernement américain considère que le yuan est sous-évalué et il en veut pour preuve son déficit commercial avec elle. Selon cette façon de voir, le solde de la balance commerciale serait un facteur important qui explique la valeur d’une monnaie. Est-ce exact? Sinon, comment expliquer l’accumulation, par la Chine, de réserves étrangères tournant autour d’un billion (1 000 000 000 000) de dollars américains?

Dans la mesure où les autorités chinoises accroissent la valeur ou le pouvoir d’achat de leur monnaie, l’objectif du gouvernement américain, à savoir de réduire son déficit commercial avec la Chine, devrait être rencontré. Toutefois, à analyser de plus près les suggestions proposées pour y arriver, il n’est pas du tout sûr qu’elles atteignent leur but advenant que les autorités chinoises les suivent. C’est que le diagnostic posé est erroné. On ne peut pas évaluer une monnaie à partir d’un solde de la balance commerciale, pas plus qu’on ne peut l’évaluer à partir de la totalité desdits soldes. Le solde de la balance commerciale constitue la différence entre les importations et les exportations d’un pays. Par conséquent, il y a autant de ces soldes qu’il y a de pays avec lequels on transige. Si l’échange du pays A se résume à acheter des pommes du pays B, on dit que A possède un déficit commercial et B un excédent commercial. Règle générale, un pays possède plusieurs déficits commerciaux avec certains de ses partenaires d’échange et plusieurs excédents commerciaux avec d’autres. Que ces déficits et ces excédents soient gros ou petits, nombreux ou pas, la valeur d’une monnaie ne peut en être établie.

Il n’y a qu’une seule façon d’évaluer le pouvoir d’achat d’une monnaie fiduciaire, soit, pour un pays donné, de comparer les montants mis en circulation à sa production de richesse. Plus les montants mis en circulation sont élevés relativement à la production de richesse (la productivité), plus le pouvoir d’achat de la monnaie est faible. Toutefois, une monnaie peut avoir un faible pouvoir d’achat dans un pays et un fort pouvoir d’achat dans un autre. Cela dépend du degré d’inflation et de productivité de chaque pays.

Pour autant qu’on puisse se fier aux statistiques gouvernementales, l’expansion monétaire en Chine relativement à sa productivité est plus élevée que le même ratio aux États-Unis. Par conséquent, on doit conclure que le pouvoir d’achat du yuan est plus faible que le pouvoir d’achat du dollar. Cependant, la sous-évaluation du yuan à laquelle le gouvernement américain fait allusion ne relève ni de sa comparaison avec le dollar, ni de celle entre les montants de yuan mis en circulation et la productivité chinoise. Le gouvernement américain croit que le yuan est sous-évalué, car la Chine exporte plus de produits aux États-Unis qu’elle en importe. Il attribue donc cette sous-évaluation au fait que les prix des exportations chinoises sont faibles. Encore une fois, on ne peut tirer cette conclusion à partir de ce constat.

Le pouvoir d’achat du yuan est peut-être plus faible que le pouvoir d’achat du dollar, mais il ne s’ensuit pas qu’il soit sous-évalué. Au contraire, étant donné que tous les pays, y compris les deux en question, prétendent comptabiliser l’inflation à partir de quelques-unes de ses conséquences, alors que la véritable inflation, soit l’expansion monétaire, est beaucoup plus importante en Chine qu’aux États-Unis, il y a tout lieu de penser que le yuan n’est pas sous-évalué, mais surévalué.

Il résulte de cette analyse un retournement dont les conséquences pourraient être graves. En effet, lorsqu’on démêle ce que le gouvernement américain dit de ce qu’il veut, on réalise qu’il demande aux autorités chinoises de hausser les prix de ses exportations dans le but de l’aider à réduire son déficit commercial. Autrement dit, il demande aux autorités chinoises d’augmenter leur inflation dans l’idée qu’elle est faible selon les indicateurs d’inflation populaires. Or, si la Chine acquiesce à la demande américaine entendue de cette façon, ses produits seront plus chers pour les Chinois, mais se retrouveront généralement aux mêmes prix pour les américains. Ce que ces derniers gagneront en échange monétaire, ils le perdront en prix plus élevés.

Le déficit commercial américain n’est qu’un mal apparent. Ce malaise relève de la vieille et fausse idée qu’il vaille mieux exporter ses produits et importer la monnaie. Or peu importe la somme maintenue par un gouvernement dans ses coffres, celle-ci n’affecte pas le pouvoir d’achat de sa devise. Un mal plus sérieux attend toutefois le gouvernement chinois s’il poursuit à ce rythme, voire augmente, son inflation monétaire. En effet, ce sont surtout les Chinois qui vont payer le prix de ces politiques insensées. Mais comment être pessimiste, alors qu’à l’heure actuelle plusieurs en profitent allégrement? Lorsqu’on parle de miracle économique, il y a lieu de se méfier.

L’expansion économique chinoise attire les investisseurs étrangers, qui, à leur tour, permettent au gouvernement chinois d'investir dans les obligations américaines et d'accrroître d'autant ses réserves étrangères. Cette expansion est due à la libéralisation de ses marchés. Malheureusement, elle est aussi fragilisée par sa politique inflationniste. Comme la plupart des pays du monde, la Chine veut aller trop vite. Cette politique interne est exacerbée par les gouvernements qui exigent d’elle une plus grande inflation. La Chine se fait tirer l’oreille, mais elle est tentée, comme tous les gouvernements, à accroître un peu plus son inflation, car elle voit en elle la principale cause de son expansion. Cela en dit long sur l’incompréhension généralisée de l’économie et des questions monétaires en particulier.

Les exportations chinoises ne sont pas favorisées par une sous-évaluation du yuan, mais par une main-d’œuvre relativement bon marché à comparer aux pays plus développés. Les Chinois ne sont pas plus «exploités» que les autres travailleurs. Au contraire, ils arrivent volontairement par millions dans les grands centres urbains pour améliorer leur sort en offrant leurs services aux petites et aux grandes entreprises. Dans ce coin du monde, il se trouve des travailleurs qui gagnent encore moins d’argent en termes absolus. Le problème, c’est qu’à l’instar de la monnaie, on ne peut pas comparer les salaires des uns et des autres d’un pays à l’autre en termes absolus. De plus, le salaire ne constitue qu’une composante parmi d’autres de la richesse relative d’un individu dans un pays donné.

Lorsque les Chinois accumuleront suffisamment de capital, leurs salaires rivaliseront avec ceux qu’on rencontre dans les pays plus développés. D’ici là, toutefois, le gouvernement chinois a tout intérêt à réduire son inflation non pas tant à cause des menaces des gouvernements étrangers que de sa propre population. Étant donné l’inflation relativement élevée en Chine, bien qu’encore peu diagnostiquée, sa population risque fort, à moyen terme, de se retrouver au chômage, sans le sou et tout près des bâtiments gouvernementaux... Dans ces circonstances, la Chine aura besoin de toutes ses réserves étrangères, aussi importantes qu’elles soient à l’heure actuelle. Par conséquent, elle a tout intérêt à augmenter le pouvoir d’achat de sa monnaie, mais non pas pour les raisons évoquées par le gouvernement américain.

En somme, le gouvernement américain, à l’instar de plusieurs autres, ne voit rien de bon à son déficit commercial avec la Chine et il lui en fait porter le blâme. Il est plus simple de trouver des boucs émissaires que de remettre en question sa compréhension. On y préfère aussi la parade. On envoie au front le grand manitou de la banque centrale américaine et le richissime ex-dirigeant d’une des plus puissantes banques d’investissement au monde pour impressionner ses hôtes. Par contre, l’analyse présentée par cette délégation est d’une pauvreté inouïe. C’est dire qu’on doit apprendre à se méfier de certaines gens en autorité, voire réviser la formation économique universitaire.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Je suis en Chine depuis maintenant 5 mois. En ce qui concerne les fort taux d'exportations de la Chine vers les Etats-Unis comparé aux taux d'importations, la Chine est responsable évidemment. Je travaille au sein d'une socièté chinoise d'import-export qui est basée à Shanghai. Nous exportons à l'étranger des produits dont le coût de production est 5 à 10 fois moins élévés qu'en Europe ou aux USA. Le problème est simple, les ouvriers employés à les produires sont payés une misère et vivent dans des conditions inaxeptable et immondes. Je pense sincèrement que nous laissons passer trop de choses en ce qui concerne la Chine sous prétexte qu'elle détient un pouvoir d'achat important.
De plus, la sous-évauation du yuan est une réalité. Il est aussi évident que le yuan est sous-évalué permettant de doper les exportations chinoises.
Pensez-vous aussi normal, que le gouvernement chinois taxe certains produits importés? Le prix, par exemple, d'une voiture Mercedes ou BMW ou encore Peugeot ou Citroen est 3 à 4 fois plus élevé sur le sol chinois!!! Ceci s'apelle tous simplement du protectionnisme visant à protéger les industries chinoises.

Anonyme a dit...

Voici ma réponse aux trois points que vous soulevez. Les ouvriers chinois sont peut-être mal payés relativement aux critères occidentaux, mais il ne demeure pas moins vrai que personne ne les oblige à travailler à un endroit plus qu’un autre. Laissez-leur le temps de développer leur capacité de production et leurs perspectives d’emploi seront améliorées d’autant. Au contraire, l’intervention de l’État ne fera que ralentir leur développement et, par suite, leurs choix.



Vous dites, comme la plupart des soi-disant experts, que le yuan est sous-évalué, car la Chine exporte davantage qu’elle importe des États-Unis. Or, la balance commerciale chinoise est plus souvent déficitaire avec le Japon, la Corée du Sud, Taiwan et plusieurs autres pays. Par conséquent, à partir de ce raisonnement, ne devrait-on pas conclure, au contraire, que le yuan est surévalué? On ne peut pas conclure qu’une monnaie est sous-évaluée sous le prétexte que sa balance commerciale est excédentaire avec un pays en particulier, aussi important soit-il. La réponse aux exportations chinoises aux États-Unis est la forte demande américaine des produits chinois d’une part et d’autre part, la productivité croissante des chinois, mais non la sous-évaluation du yuan.



La Chine est loin d’être un modèle de liberté économique, alors il va sans dire que je trouve déplorable son protectionnisme. Mais ce sont les Chinois qui paient la note. Ils se privent de choix. Et qui dit moins de choix, dit moins de richesse. C’est leur affaire. Les dirigeants chinois ne sont pas plus intelligents que les nôtres.