Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

13 août, 2006

Les subventions créatrices d'emploi sont un mythe (3).

Le cas de l’entreprise Lefebvre Frères / Industries Foresteel Limitée est un exemple probant de l’incohérence des politiques interventionnistes du gouvernement du Québec.

Le 21 avril 2004 M. Pierre Lefebvre, président du C.A., faisait parvenir une lettre à Jean Charest lui expliquant que les politiques de subvention du gouvernement allaient causer la fermeture de son entreprise. Depuis, les craintes de M. Lefebvre se sont matérialisées et l’entreprise a dû fermer ses portes.

Sous le prétexte vertueux de créer des emplois le gouvernement a poussé à la faillite cette entreprise avec pour conséquence la mise à pied de 242 employés. De plus, M. Lefebvre et ses actionnaires ont décidé d’investir leur argent et leurs talents sous des cieux moins interventionnistes et où les entrepreneurs compétitionnent à armes égales.

Faut-il se surprendre si le Québec traîne dans le peloton de queue parmi ses partenaires économiques et si Montréal demeure la seule grande ville Nord Américaine maintenant depuis plusieurs années un taux de chômage de plus de 10%.

Pour votre information je vous transmets la lettre de M. Pierre Lefebvre :

Premier Ministre du Québec
Édifice Honoré-Mercier, 3ème étage
835, boulevard René-Levesque Est
Québec (Québec) G1A 1B4

Monsieur le Premier Ministre,

Je vous écris au nom des employés et actionnaires de Lefebvre Frères Limitée et de sa filiale, Les Industries Foresteel, toutes deux de Montréal. Lefebvre Frères est établie depuis 1914 et Foresteel depuis 1960. Nous oeuvrons dans le secteur de la fabrication métallique et, en 2003, le Journal des Affaires, dans son énumération des 300 plus importantes PME du Québec, accordait à Lefebvre le 70e rang avec 242 emplois.

Un an plus tard, il ne reste que 40 emplois et ces derniers sont sérieusement compromis car il devient impossible pour une entreprise de notre secteur de concurrencer les entreprises situées en région et éligibles aux crédits d’impôt. L’interventionnisme de l’État fausse les règles du jeu et le Québec en sort grand perdant. À Montréal, l’industrie de la fabrication métallique se meurt et je me doute qu’il en va de même pour celle des autres régions non éligibles aux crédits d’impôt.

La Commission Métropolitaine de Montréal (CMM), vient de dévoiler que la grande région de Montréal, incluant Laval et Longueuil, a perdu entre 1999 et 2004 un total de 59 000 emplois dans le secteur de la fabrication. Il s’agit d’une baisse de 17 % par rapport à 1999. Je suis certain que si les chiffres pour l’Est de Montréal étaient disponibles, la situation serait plus tragique.

Au cours des trois dernières années, les entreprises suivantes, toutes situées dans la région de Montréal, ont fermé leurs portes : Robert Mitchell, Ralfor, Bedarco et Drummond Welding. Ces entreprises, qui avaient toutes plus de 20 années d’existence, faisaient de Montréal une plaque tournante de la fabrication métallique en Amérique.

LA SITUATION DE LEFEBVRE FRÈRES /FORESTEEL

Au cours des 22 dernières années, Lefebvre Frères/Foresteel a développé une expertise reconnue mondialement dans la fabrication des barres omnibus destinées a l’industrie des non-ferreux : Aluminium, magnésium, zinc et cuivre. Pendant cette période, l’entreprise a réalisé d’importants contrats :

• Alcoa (Renolds), Baie-Comeau, phases I et II (1983 et 1989)
• Aluminerie de Bécancour, Qc, phases I et II (1986 et 1989)
• Alouette, Sept-Îles, phase I (1990)
• Norsk Hydro, Qc (1986), Magnola, Qc (1998)
• Alcan, Alma, Qc (1999)
• Mozal, Mozambique, phases I et II (1999 et 2002)
• Hillside, Afrique du Sud, phases I et II (1992 et 2002)

Nous avons également réalisé plusieurs autres projets à travers le monde. Le créneau des barres omnibus représente aujourd’hui plus de 60% des ventes de l’entreprise. Au cours des trois dernières années nos deux usines de Montréal ont exporté toute leur production de barres à l’extérieur du pays.

La fabrication des barres omnibus comporte une très forte composante de main d’oeuvre directe puisque le matériel de base ( barres brutes) est généralement fourni par le client. Le prix vendant des heures de main d’oeuvre directe pour les opérations de soudage et d’usinage a un impact majeur sur la compétitivité d’une entreprise. A la suite de l’introduction des crédits d’impôt « Vallée de l’aluminium », par le Gouvernement du parti Québécois, Lefebvre Frères/Foresteel voit son marché disparaître. Il n’est pas possible de gagner de nouveaux contrats alors que des concurrents situés dans certaines régions peuvent bénéficier des avantages suivants :

• Crédit d’impôt remboursable de 40% ( maintenant 30%) sur toute augmentation de la masse salariale éligible;
• Déduction de 75% de son revenu imposable jusqu’au 31 décembre 2010;
• Déduction de 75% de son capital versé pour fin de taxe sur le capital jusqu’au 31 décembre 2010;
• Déduction de 75% des salaires pour fin de contribution au Fonds de service de santé (FSS), et ce, jusqu’au 31 décembre 2010 également.

Nous ne pouvons pas être compétitifs face à des entreprises qui bénéficient de tels avantages. Pour la première fois depuis dix ans, nous avons perdu un contrat de fabrication de barres omnibus, soit celui de l’aluminerie Alouette.

Nous croyons que la perte de ce contrat est directement liée aux politiques du gouvernement concernant les entreprises en région. La preuve : dans les renseignements additionnels sur les mesures du budget 2004-2005, le ministre des Finances, parmi les raisons qu’il donne pour maintenir les crédits d’impôt, mentionne les représentations des entreprises en région, qui ont souligné au gouvernement que « cela pourrait entraîner des difficultés financières pour les sociétés qui ont présenté des soumissions ou négocié des contrats en considérant l’impact des crédits d’impôt pour la période prévue de cinq ans ». J’assume que Monsieur Séguin, avant de reconduire les crédits, a pris soin de vérifier que les prétentions des entreprises étaient bien vraies et que s’il les maintient c’est qu’il est vrai que leur retrait mettrait la vie des entreprises en danger.

Nous avons été souvent confrontés à de la concurrence, ayant par le passé réussi à prévaloir sur des entreprises canadiennes et étrangères, mais avec les avantages accordés aux régions, il ne nous reste qu’à baisser les bras! Comment expliquer aux actionnaires et aux employés de Lefebvre Frères/Foresteel que les impôts qu’ils ont payés au cours des dernières années servent à subventionner une entreprise située dans une zone que le Gouvernement a décidé de privilégier et qui a comme résultat de déposséder les uns et de causer le licenciement massif des autres ? Comment leur faire comprendre que celui qui obtient le contrat reçoit du gouvernement des avantages qui peuvent représenter jusqu'à 50% du coût de la main d’oeuvre dans certaines situations?

Nos représentations auprès du ministère du Revenu n’ont pas été fructueuses. On nous a fait comprendre que la décision était politique. En ce qui a trait au ministère de l’Industrie et du Commerce, leur réaction a été de nous dire qu’ils n’avaient pas été consultés sur les programmes de crédits d’impôt. Nous n’avions d’autre choix que de mettre fin à nos activités de fabrication de barres omnibus au Québec et de nous résigner à recommencer à neuf ailleurs. Pour les employés et les actionnaires de Lefebvre/Foresteel les conséquences sont évidentes. Qu’en est-il du Québec ? Examinons la situation de plus proche.

• Pour le projet Alouette, les emplois ont été transférés de Montréal au Saguenay. Le nombre d’emplois est le même. La différence : le Gouvernement du Québec subventionne l’entreprise du Saguenay alors qu’une fabrication à Montréal n’aurait rien coûté. Coût pour l’état :
plusieurs millions de dollars.
• La perte de 60% de ses ventes affecte Lefebvre Frères /Foresteel au point que les emplois non reliés aux barres omnibus sont compromis. Quarante ont déjà disparus et sur les quarante autres une décision sera prise d’ici deux mois. Pertes importantes pour le trésor public.
• Au cours des 20 dernières années notre entreprise a dominé le marché international à partir de Montréal. Maintenant qu’elle n’a plus sa place au Québec elle se doit de reprendre à neuf ailleurs la ou le coût de la main d’oeuvre lui permettra d’être compétitif. Qui sortira gagnant sur les prochains contrats ? Chose certaine le Québec perdra, car au cours des vingt dernières années Lefebvre Frères/Foresteel a produit à partir de Montréal et cela sans subvention.

La disparition de deux entreprises, dont une qui fête cette année ses 90 années d’existence n’est pas dans le meilleur intérêt du Québec.

Combien d’autres cas comme le nôtre ?

LES SUBVENTIONS AUX ENTREPRISES ET L’ÉCONOMIE DU QUÉBEC

Le crédit d’impôt « Régions ressources » date du début des années 2000 et celui de la « Vallée de l’aluminium » de juin 2002. Une étude du Fraser Institute signée Fred McMahon évalue à $469 par habitant les subventions provinciales et municipales aux entreprises et ce, en l’an 2000, soit avant l’introduction des crédits d’impôt.

En Ontario, les subventions aux entreprises ne sont que de 32 $ par personne et la moyenne canadienne qui est évidemment plus élevée compte tenu du fait que le Québec fait partie du Canada, est de 193 $ par personne. Presque $2,000 pour une famille de deux adultes et deux enfants. S’agit-il d’un investissement productif et qui rapporte des emplois et de la richesse au Québec? Serait-il possible que nous fassions fausse route. Je ne peux m’empêcher de citer Monsieur McMahon, qui, à la page 47 de son étude dit ( la traduction est de moi ) : « La pratique du gouvernement du Québec de subventionner les entreprises plutôt que de baisser les taxes est non seulement inéquitable mais, en plus, elle réduit la croissance économique de
trois façons :

- elle maintient les taxes élevées, ce qui pénalise toutes les entreprises;
- elle peut récompenser les entreprises inefficaces mais politiquement bien connectées au détriment des entreprises plus efficaces; et
- elle fausse les données en détournant des ressources qui devraient être consacrées à l’augmentation de la productivité et de la compétitivité dans le marché ».

On subventionne les entreprises mais,

1. Le Québec impose à ses citoyens le fardeau fiscal le plus lourd de toutes les juridictions d’Amérique du Nord ( en pourcentage de l’économie );
2. Le Québec possède, de loin, le niveau de prospérité par personne le plus bas, mesuré par le produit intérieur brut par habitant, de toutes les provinces ou états américains industrialisés dont la population dépasse 6 000000 d’habitants;
3. À l’échelle mondiale, les chiffres démontrent que les régions retardataires des nations développées réussissent à combler l’écart avec les régions plus prospères par un facteur de 2 à 3 % par année.

Au cours des 40 dernières années le Québec n’a absolument rien comblé de son retard par rapport à la prospérité moyenne du Canada[1]; Serions-nous dans une situation ou l’interventionnisme de l’état fait plus de mal que de bien ?

LES ABUS DU SYSTÈME

Nous pensons également que le programme de crédits d’impôt ouvre la porte à des abus. Il est en effet possible que des entreprises aient pu :

• Réclamer plus d’un crédit d’impôt pour la même dépense. Non seulement le système est-il généreux, mais comme le libellé de la loi n’est pas clair, certaines entreprises en profiteraient pour demander deux ou trois crédits d’impôt pour le même dollar dépensé;
• Avoir la possibilité de réclamer un crédit d’impôt même s’il n’y a aucune création d’emploi obtenue en alternant le programme « Régions ressources » et celui de la « Vallée de l’aluminium ».

Même si la loi a été modifiée lors du budget du 12 juin 2003, il serait intéressant de connaître les sommes payées aux entreprises à cause du manque de rigueur qui prévaut dans le libellé de la loi. À une époque ou on parle de gouvernance pour les entreprises, n’est-il pas normal que les gouvernements se soumettent aux même exigences?

CONCLUSION

Nous considérons que le programme de crédit d’impôt a causé l’expropriation de notre entreprise et cela sans qu’aucun dédommagement ne soit versé à ses actionnaires et salariés.

Nous ne croyons pas que le Québec gagne. Au contraire nous croyons qu’il perd.

Il nous reste une usine et quarante emplois au Québec. L’entreprise doit prendre une décision concernant cette usine d’ici la fin de mai. Le 10 septembre 2003, il y a sept mois de cela, j’ai écrit au ministère du Revenu en posant des questions précises sur la portée des crédits d’impôt reliés à nos quarante emplois en fabrication métallique. J’ai pris bien soin dans mes communications écrites et orales de mentionner à mes interlocuteurs que mon objectif était de comprendre l’impact des crédits d’impôts sur les activités de fabrication métallique et que l’avenir de l’entreprise et de ses emplois étaient en jeu. Sept mois plus tard, et après plusieurs suivis, nous n’avons toujours pas de réponses.

Pourquoi?

Pierre Lefebvre
Président du CA
Lefebvre Frères Limitée et Les Industries Foresteel Limitée

[1] « Québec Prosperity », l’étude de M. Fred McMahon

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